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7 avril 2004


Journée Nimier, aujourd'hui, pour se remonter le moral en attendant la guerre.
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"Cette région est pleine de petites filles. Il en sort de tous les arbres fruitiers. Il ne faut pas dire qu'elles sont moches. Elles sont moches, mais ce sont des Lorraines et ce mot est si gentil qu'il faut leur sourire." [note du claviste : yeah !] (Sanders)

"Quand les habitants de la planète seront un peu plus difficiles, je me ferai naturaliser humain. En attendant, je préfère rester fasciste, bien que ce soit baroque et fatiguant." (Sanders)

"Peu à peu je m'imprégnais de cette notion capitale : le bon ton. Il y a d'abord la simple politesse. En crachant, on murmure : "Honneur aux dames." Ou bien on tape son poing fermé contre la paume de l'autre main pour manifester une contrariété. Le bon ton est beaucoup mieux. C'est une façon de se faire remarquer en passant inaperçu.
Maintenant, personne n'est habitué au vacarme de la guerre. Il n'y a plus de bon ton. Voila ce qui nous perd. On se précipite avec des gestes brutaux. On ne dit pas "putain de sort" quand il faudrait le dire. Los Anderos écrase un motard et rougit. Tout est gâché." (Saint-Anne)

"Je ne comprends toujours pas, sinon que je ne saurai jamais mourir. Rien n'est plus horrible que de se mélanger à la nature, rien n'est plus odieux que la terre. Elle nous attend, elle n'est pas pressée. En une seconde je pense amoureusement aux villes, aux maisons bien-aimées, aux trottoirs, à leur douce peau goudronnée." (Saint-Anne)

"Il nous traite de lâches, de déserteurs, de poseurs de ses deux ; je ne sais pas à quoi il fait allusion. Il nous accuse de passer plus de temps à nous gominer les cheveux qu'à poursuivre l'Allemand. C'est un peu exagéré. Maximian se coiffe très sommairement et il extermine les Fridolins jusque dans ses prières." (Saint-Anne)

"La pente de ma rêverie me dirigeait plutôt vers des horizons calmes et rassurants, purs comme le front de ces jeunes Arabes qui nous trahissaient le lendemain, mais nous aimaient bien tout de même, et d'ailleurs, trahir les Français, voila longtemps que ce n'était plus trahir personne." (Sanders)

"Devinez alors, jeune présomptueux - et j'agitais un doigt devant ses yeux qui étaient noirs et touchants - devinez que Dieu existe. Et déjà il vous fait envie, vous soupirez après son paradis. Il est plein de fleurs dont on sait les noms, les anges sont encore plus beaux que vous si la chose est possible. Mais remarquez ceci : nous n'y mettrons jamais les pieds. Ab-so-lu-ment im-po-ssible. Une dimension nous manque. Dieu existe, mais il n'est pas pour nous, voila le secret. Nous nous trainons par terre, nous nous déchirons la poitrine et Il rit doucement parce qu'Il nous trouve stupides. Si nous marchons calmement et que nous achetons de la rente, Il détourne la tête. Aussi bien préférons-nous envahir des provinces, brûler des villes et nous réunir certains soirs, comme celui-ci, pour nous sentir coupables et dormir sur cette pensée qu'Il nous regarde un peu quand même." (De Forjac)

"Los Anderos pose sa barbe affreuse sur mon épaule, m'entourant le cou de son bras, pour me demander si j'allais me faire violer gentiment. Je répond que j'ai des principes et froidement.
Alors, il prétend que je bande uniquement pour la banque, l'ordre et les caveaux de famille. Il ne croit pas si bien dire, mais je ne l'avouerai jamais et je réponds, d'une voix dégagée, que ça vaut bien les hôpitaux, le système métrique et autres idoles rouges." (Sainte-Anne)

"Je caressais son corps, il était beau comme son visage. C'est la mode au XX° siècle, nous détestons la molesse. Nous avons un tel amour pour la sauvagerie qu'on ne sait si nous sommes barbares ou décadents. Moi qui affecte tant de dégoût pour les hommes, je suis heureux de leur ressembler dans les actions essentielles de la vie. J'aime leurs églises, leurs tableaux. Je proteste conte le monde moderne, mais j'adore ses femmes minces." (Sanders)

"Je comprends les gens qui entassent des couches de laideur les unes sur les autres (un nez camus, des yeux à fleur de peau, voter aux élections, porter des bottines à tige), car pendant qu'ils y sont, ils auraient tort de se priver." (De Forjac)

"Il me demandait si je m'intéressais tellement à la France ? Que pouvais-je répondre sinon que j'avais honte et pitié d'elle, d'un seul mouvement ?" (De Forjac)

"- Et il passe son temps dans les bras des Gretchens, votre ami ? - Oh, pas du tout ! Il ne les trouve pas assez chic. Il est défiguré, mais il continue à raffoler de grandes filles superbes. Alors il ne sort jamais. Moche, plus difficile, égale vertueux." (De Forjac)

"Le monde te plaît comme il est. Tu as une mentalité de parfumeur. Chaque année te donne une odeur agréable que tu recueilles précieusement sur ton mouchoir, entre les traces de sperme et les marques de rouge à lèvres." (Sanders)

Roger Nimier, Le hussard bleu

"Car la légereté est un abîme, à condition d'avoir quelque chose à y jeter."

"C'est un drôle de type. Il a au moins trois caractères différents, il n'est pas facile à résumer. Chez beaucoup, on appelle ça de la complexité, on trouve ça excellent, un signe de richesse, si tu veux... Chez lui, c'est d'une brutalité totale : d'un plan à l'autre, il n'y a rien. ... Il est intelligent, autrefois il avait tout lu. Seulement on ne le voit pas s'intéresser aux "choses de l'esprit" comme dit Edmond. Il est carré, c'est une nature carrée. S'il touche aux idées, c'est en les faisant un peu saigner au passage, pour voir si elles sont vivantes."

"C'est que je déteste le vin, le cognac et toutes ces saletés. J'aime la vodka. Elle est blanche. Elle est sûrement intelligente."

"Ne me marchez pas sur les pieds et suivez mon raisonnement : vos yeux sont d'une couleur indistincte et nacrée. Vos joues sont fraîches, vos lèvres sentent le citron et accessoirement le champagne bon marché. Je m'embrouille dans mes discours, mais ça ne fais rien, je ne supporte pas l'alcool, c'est bien connu. Je disais donc : vous serez détestable dnas trois ans, vous aurez les passions de tout le monde, vous rechercherez le succès pour vous persuader que vous êtes un homme, naturellement vous ne comprenez rien à ce que je vous dis, aucune importance, tu es beau, tu danses mal, donc tu es beau et maladroit et Malentraide et je suis folle et ça n'a rien de drôle, si tu crois que c'est malin de m'avoir poussée à boire, moi qui ne supporte absolument pas l'alcool, c'est complètement absurde et ça ne t'avancera à rien, je dis : à rien. Cette musique est déplorable, tout ça ne vous avancera à rien, rien n'avance dans la vie, Dieu reconnaîtra les siens, tu l'as très bien dit tout à l'heure. Embrassez-moi, s'il vous plaît."

"D'ailleurs, je peux encore tout déchirer. Alors, au lieu d'écrire ce qui m'arrivera - ça m'arrivera. Tout n'est donc pas perdu."

"Les autres cherchent l'affection comme on ramasse des champignons, et se lèchent les babines à l'avance. Ces moisissures du coeur ne compteraient pas pour lui, jamais elles n'avaient compté. Il s'enfonçait dans ces sombres forêts avec la volupté d'être seul."

"Tandis qu'Olivier Malentraide dansait en lui marchant sur les pieds, Dominique frappait le sol, durant les sambas, comme une esclave nègre qui veut faire surgir la liberté de l'ivresse."

"Moi, je ne suis d'aucune époque. S'il y a la guerre, je servirai sous Maurice de Saxe. C'est une balle de Solférino, restée en l'air pendant un siècle, qui me tuera."

"Dieu, saint Michel et moi, nous n'aimons pas les chrétiens de votre sorte. Nous trouvons qu'il faut être malhonnête avec soi-même. Se faire la guerre, une guerre d'embuscades."

"Ce qui me plairait, ce serait de dormir dans vos bras. Pas de coucher avec vous, non. Ca, ça me dégoûterait plutôt. Mais dormir serait agréable. Vous êtes un bon solide ours avec de grosses pattes entre lesquelles on se sent protégée. C'est pou ça que vous me plaisez. Vous n'êtes pas une femme, malgré vos yeux, pas un homme non plus, vous êtes un ours en peluche."

"La nuit était belle, une sage et magnifique nuit de décembre. Olivier monta dans la voiture et la mit en marche. Il s'aperçut au bout d'un quart d'heure qu'il avait oublié d'allumer les phares. Il se trompa sans doute de chemin, car il n'entra pas dans Paris par la porte qu'il avait prise pour venir. Olivier lança la voiture à 130, brûlant les feux rouges, évitant de justesse des camions, des cyclistes. Après avoir roulé quelques temps à cette allure sur les boulevards extérieurs, il trouva ce qu'il était venu chercher dans un grand chantier où l'on avait creusé des fosses profondes. Catherine est la plus charmante veuve de Paris."

Roger Nimier, Les enfants tristes (Livre de Poche 1332/1333)